Depuis l’accession de Diomaye Faye à la magistrature suprême, une dynamique singulière semble s’installer dans la communication politique au Sénégal. À chaque sortie médiatique ou diplomatique majeure du président, son Premier ministre, Ousmane Sonko, ´improvise une prise de parole ou un événement qui attire davantage l’attention des médias et du public, éclipsant ainsi les initiatives présidentielles. Ce phénomène révèle une stratégie de communication politique élaborée, où l’influence médiatique et l’agenda public semblent être des terrains de bataille silencieux entre les deux hommes.
Une concurrence médiatique invisible
D’un point de vue de la communication publique, l’une des règles essentielles pour tout leader politique est d’occuper l’espace médiatique de manière cohérente et continue. Le président Diomaye Faye, malgré ses efforts pour consolider son image à l’international et ses initiatives républicaines, voit ses actions systématiquement éclipsées par les interventions médiatiques stratégiques de Sonko. Par exemple, lors du discours de Diomaye à la tribune des Nations Unies, un moment crucial pour renforcer son image de leader international, Sonko a simultanément organisé une conférence de presse sur la situation économique du Sénégal. Résultat : l’allocution mémorable du président aux Nations Unies n’a pas eu l’écho escompté, noyée dans le flot des discours critiques de Sonko.
De même, lorsque Diomaye Faye entame un périple diplomatique à Paris, ou lorsque la Première Dame s’exprime en Chine sur des questions éducatives, Sonko saisit l’opportunité de s’emparer de l’agenda médiatique. Il s’agit là d’une stratégie classique en communication politique : contrôler la temporalité des événements et les moments où les projecteurs se tournent vers soi. En ce sens, Sonko maîtrise cet art de manière presque calculée, sapant les efforts de communication présidentielle à chaque occasion majeure.
Le poids de l’image en politique
Dans la communication politique, l’image publique et la perception des actes posés sont des outils essentiels pour construire une réputation. Ousmane Sonko semble avoir pris une longueur d’avance en s’arrogeant une stature quasi-présidentielle dans l’imaginaire collectif, en dépit de son statut de Premier ministre. En occupant l’espace médiatique de manière constante et en mobilisant les foules à travers des événements tels que le méga-meeting payant à Dakar Arena, il donne l’impression d’être le véritable dirigeant aux yeux de certains Sénégalais.
Pour Diomaye Faye, ce positionnement de Sonko pose un véritable défi en termes de communication. Malgré des actions républicaines louables et des efforts diplomatiques, il peine à capter l’attention nationale à cause de la force d’attraction médiatique de son Premier ministre. Dans ce contexte, le président semble confronté à un dilemme : comment reprendre le contrôle de son image et s’affirmer en tant que chef d’État dans un paysage médiatique saturé par la figure de Sonko ?
Une guerre des agendas politiques
L’une des techniques classiques en communication politique consiste à occuper le terrain avant son adversaire ou à réagir immédiatement pour minimiser son impact. Sonko maîtrise cette approche en utilisant l’effet de « contre-programmation », c’est-à-dire la création d’événements médiatiques concurrentiels au moment où Diomaye Faye entreprend des actions de grande envergure. Ainsi, Sonko neutralise systématiquement les tentatives de son président de s’approprier l’agenda public, lui retirant tout éclat potentiel.
Le timing des actions est clé dans ce jeu d’influence. Alors que Diomaye Faye était attendu dans le nord du pays pour une mission de développement cruciale, Sonko organise un méga-meeting à Dakar Arena, qui capte toute l’attention médiatique. Cette « guerre silencieuse » entre les deux hommes montre à quel point l’agenda médiatique et l’agenda politique sont inextricablement liés. Chaque action posée par Sonko semble calculée pour étouffer les moments de gloire de Diomaye, en replaçant systématiquement le projecteur sur lui-même.
Quel avenir pour la communication présidentielle ?
Face à cette concurrence médiatique, Diomaye Faye se trouve à un tournant de sa communication publique. Pour s’imposer en tant que véritable président, il lui faudra revoir ses stratégies de communication et peut-être même s’affranchir de l’ombre médiatique de son Premier ministre. Les analystes en communication politique soulignent souvent l’importance de la symbiose entre l’action et la parole publique. Dans le cas de Diomaye, il est essentiel qu’il parvienne à créer des événements suffisamment marquants pour imprimer sa marque dans l’opinion publique, même face à l’influence médiatique de Sonko.
Au-delà de cette rivalité, la popularité croissante de Diomaye auprès des Sénégalais montre qu’il commence à gagner une reconnaissance malgré les turbulences médiatiques. Pour consolider cette sympathie, il devra toutefois imposer sa propre vision, ses propres messages, et surtout se détacher des contre-temps imposés par Sonko. L’enjeu sera de réussir à occuper durablement le terrain médiatique, en marquant la différence par la qualité des actions républicaines, sans se laisser dévier par les bruits de fond.
En fin de compte, la politique moderne ne se joue plus seulement dans les arènes institutionnelles, mais aussi, et peut-être surtout, dans les arènes médiatiques. Diomaye Faye devra maîtriser cette nouvelle donne pour pleinement s’affirmer en tant que leader incontesté du Sénégal.
COD Chroniqueur